LA MAMA* NOIRE DANS TOUS SES ETATS

A l’ombre de ma paillote, je sirote un cocktail, méditant à l’année folle qui vient de passer et suis presque prête à affronter la rentrée qui s’en vient.

Vous l’aurez compris, je suis en vacances… et ça, c’est le pied !

Les enfants sont littéralement déchaînés et tentent de me happer de cet instant quelque peu introspectif dans lequel je me réjouis de plonger.

Ces derniers mois ont été vraiment intenses. On a vécu un confinement (WTF !?). 

Et à sa sortie, un coup de massue est venu nous réveiller : le mouvement Black Lives Matter nous a comme rappelés à notre condition. Non pas que nous l’avions oubliée… mais disons qu’elle est devenue d’autant plus flagrante et frappante.

Quand je parle de nous, de qui s’agit-il ? Je parle ici de la communauté noire, la diaspora afro-descendante. 

Cette période de tumulte qui a succédé le décès de George Floyd, fut propice à pas mal de remous, de résurgences quant à un mal qui ne dit pas son nom : le racisme systémique.

Vous savez, ce racisme qui n’avance pas à découvert ; mais qui fait des dégâts sur son passage et laisse des gens sur le carreau. 

Bon, ici on parle maternité ; et c’est déjà un sacré sujet. 

Alors, de ma fenêtre, je vais m’essayer à un exercice périlleux : partager ce que peut être la vie d’une (future) mama* noire.

*mama : j’utilise ce terme en toute conscience et avec fierté. Il est pourtant exploité de manière péjorative depuis l’ère coloniale. En effet, il n’y a qu’à flâner sur Google pour comprendre mes propos. Pour certains, la mama africaine, n’est autre qu’une femme, mère de famille (trop) nombreuse, portant ses enfants dans le dos à l’aide d’un pagne, et dégainant son sein à tout va. Et cette image caricaturale et limitante (comme si une femme noire ne se résumait qu’à cela !) nous a longtemps et durement collé à la peau. C’est précisément cette image qui a permis à la fachosphère de nous dénigrer, de nous accuser de tous les maux de la société occidentale.

Mais cette image ne vous rappelle-t-elle donc rien ? 

Remplacez nos peaux sombres par une femme de couleur blanche. Elle ne ressemblerait pas, trait pour trait, au portrait du maternage proximal ? Ce maternage dont on loue aujourd’hui les bienfaits, et qu’on tente de promouvoir dans le monde de la périnatalité et de la parentalité. Utiliser le mot « mama » pour nous désigner me fait donc sourire…

La mama noire est à l’intersection de plusieurs combats, pour lesquels elle peut parfois être seule à en porter le poids.

Dans l’imaginaire collectif, elle est vue comme endurante, forte, résiliente, soutenante, généreuse, sur la défensive et même colérique. Si certains traits de caractère peuvent ressembler à des qualités ; laissez-moi vous dire qu’ils peuvent être vécus comme de vrais fardeaux.

Tout au long de sa maternité, ce sont ces même attributs qui lui colleront à la peau d’ébène qu’est la sienne, et pourront mener à des injustices (parfois masquées), qui marqueront son existence et celle de son enfant.

Volontairement, je vais quelque peu grossir le tableau. Non pas que son chemin ne soit que chemin de croix, mais le but de cet écrit étant de partager les difficultés que sont les nôtres. Pour s’imprégner davantage du parcours de la femme noire dans sa maternité, je vais tenter de le retranscrire sous forme de narration… 

Cependant, je tiens à souligner, qu’à l’instar de l’Afrique aux mille et un visages (54 pays reconnus, et plus d’un millier d’ethnies), la femme afro-descendante est plurielle. Il ne s’agira donc pas de réduire son histoire à une seule et unique tranche de vie ; mais plutôt de conter ce qu’elle peut être amenée à traverser durant ces passages fondateurs, de par sa couleur de peau.

SA GROSSESSE

La (future) mama vient d’apprendre qu’elle est enceinte. Se pose alors à elle la question de savoir quel professionnel de santé la suivra tout au long de sa grossesse.

Vous le savez peut-être déjà, depuis quelques semaines, la toile et l’establishment français s’affolent au sujet d’une liste de professionnels de santé noirs. 

Voir toute cette agitation me fait doucement rire. Si, au lieu de la condamner, on s’intéressait d’abord aux raisons qui poussent les femmes noires à chercher des professionnels qui leur ressemblent, dans le but de se sentir plus écoutées, et plus en sécurité.

D’ailleurs, dans les jours qui ont suivi la levée de boucliers émanant des différents ordres de professionnels de santé, une étude parue dans la revue américaine « Proceedings of the National Academy of Sciences » met en lumière le fait que les nourrissons noirs avaient plus de chance de survie en étant soignés par des médecins qui leur ressemblent (comprenez « de la même couleur de peau qu’eux »). 

Cet article relate assez bien les faits => https://m.20minutes.fr/amp/a/2842643

Le constat est alarmant… mais il est surtout choquant ; si bien qu’en France, on préfère éluder ce type de sujet. 

Les raisons de ce type d’inégalités (j’emploierais plutôt le terme « injustices » mais bon…) peuvent être multiples :

  • Le racisme et ses dérivés -> le syndrome méditerranéen a encore de beaux jours devant lui. Cette fameuse et abominable idée reçue qui pousse à croire que les personnes originaires du sud de la Méditerranée (comprenez ici l’Afrique ^^) auraient tendance à exagérer leurs maux / souffrances / douleurs. Au cas où vous douteriez du fondement raciste de cette croyance qui subsiste dans le milieu médical, rappelez-vous des travaux et expériences du « père » de la gynécologie moderne James Marion Sims. Je vous invite vivement à lire un peu sur ce sujet, en cliquant ici par exemple https://dailygeekshow.com/gynecologie-james-marion-sims-experiences-esclaves-noires/

  • les inégalités socio-économiques -> faute de moyens, certaines familles se retrouvent limitées quant au choix de la structure et du praticien pour le suivi médical durant la grossesse, l’accouchement, et le post-partum.

  • les préjugés culturels et la politique d’assimilation en découlant -> les mamas noires sont parfois victimes de mauvaise réputation : trop d’enfants, des bambins collés au sein ou dans le dos, illettrées, et j’en passe. On les qualifie parfois de « sauvages » ou de non-intégrées à la culture occidentale. Une politique d’assimilation est donc parfois déployée : il s’agira d’inviter ces femmes à ne plus se contenter d’être de « simples » femmes au foyer, faire la promotion d’un maternage plus distal (places en structures d’accueil pour les bébés, école dès 2 ans dans certaines villes) ; tout cela dans le but « d’aider » ces mères. Ici, je ne blâmerais aucunement les acteurs sociaux qui font un travail magistral. C’est le système que je déplore… celui qui met en avant la séparation anticipée de la dyade mère / enfant, alors que ce dont aurait besoin chaque mère, c’est plutôt du soutien, de l’écoute et du respect quant à ses choix éducatifs.

A ce sujet, j’ai d’ailleurs une anecdote quelque peu amusante : 

D’antan, la mama africaine était réputée pour son pagne servant de moyen de portage. Elle portait son bébé dans le dos à toute heure et en toute occasion, y compris dans ses activités qu’on qualifierait de professionnelles.  

Cette image d’elle fut d’ailleurs perçue de manière très péjorative à compter des années 80. Peu à peu, ce bout de tissus aux couleurs chatoyantes fut abandonné, au profit de la poussette. Devenue une sorte d’indicateur d’intégration et de réussite sociale, la poussette a envahi nos banlieues. Aux oubliettes le pagne et le bébé collé à sa maman !

Mais voilà que, fort heureusement, les vertus du portage ont été mises en avant. Le portage (re)devient tendance. Seul bémol : bien qu’il soit une continuité instinctive de la grossesse, il n’en reste pas moins parfois onéreux et difficile à appréhender : un atelier de portage a un coût qui n’est pas négligeable pour les foyers très modestes. On pourrait même trouver ce milieu assez élitiste malheureusement. Paris regorge d’ateliers de portage, y compris dans les structure publiques. Tandis que la banlieue est plus « pauvre » en évènements autour de la périnatalité.

Voilà ce qui pourrait expliquer qu’il ait du mal à s’implanter dans nos quartiers dits populaires.

Les banlieues (pour ne pas dire cités) et les communautés issues de l’immigration sont étroitement liées. Bien que cette thématique soit passionnante, je ne vais pas l’étayer dans ce billet, ce serait trop long. Cependant, je vous encourage à faire vos recherches à ce sujet pour comprendre les mécanismes qui ont régi notre société. Pas mal d’ouvrages et articles existent sur la toile (en voici un parmi tant d’autres https://www.revue-projet.com/articles/2007-4-les-banlieues-populaires-ont-aussi-une-histoire/ )

  • la saturation des structures publiques -> pour les familles aux revenus modestes, il existe des structures de soins « gratuites ». Elles ne sont pas vraiment gratuites, car financées par les deniers publics, et donc nos impôts. Cependant, toutes ces infrastructures (hôpitaux publics, Centre de Protection Maternelle et Infantile, etc) sont littéralement saturées… Que dis-je ? Noirs de monde plutôt ! 

Réduction drastique des budgets, manque de personnel, listes d’attente à rallonge pour la patientèle… Tout cela met à mal la quantité et la qualité des soins et conseils proposés au public, d’autant plus dans les zones urbaines. Faute de moyens, les foyers n’ayant pas les moyens de recourir au privé doivent se contenter d’attendre gentiment leur tour.

Je conçois que la situation en France n’est pas à 100% identique à celle des États-Unis d’Amérique. Ici, le système de santé est quelque peu plus élaboré. Mais à force de raboter à tous les étages, nous nous dirigeons de plus en plus vers un monde capitaliste à outrance, où seul l’argent garantira le droit aux soins.

Et lorsqu’on étudie les inégalités socio-économiques entre les personnes issues de l’immigration et les non-racisés, on comprend que le bas de l’échelle est plus souvent occupé par des racisés.

Pour comprendre les mécanismes qui alimentent ces inégalités, je vous invite à faire vos propres recherches.

SON ACCOUCHEMENT

Accrochez vos ceintures, on arrive là sur une pente glissante…

Permettez-moi donc de planter le décor : les violences gynécologiques et obstétricales concernent toutes les femmes, quelle que soit la couleur de peau.

Mais ajoutez à cela les clichés racistes (que ce soit  volontaire ou non), les biais culturels que peuvent être les nôtres (exemple : le médecin faisant toujours office de figure d’autorité), la possible barrière linguistique, et les discriminations économiques… l’ambiance dans la salle de travail peut vite devenir anxiogène, voire explosive. 

J’omettais aussi d’aborder le sujet du tutoiement intempestif face à une femme noire. A l’instar de la police qui s’adresse aux homme noirs via le tutoiement, certains professionnels de santé ont gardé cette image paternaliste du rapport entre le colonisateur et le colonisé. Un relent de « White Saviorism » y est aussi pour quelque chose. 

Si vous voulez savoir ce que c’est, voici quelques détails  :

https://sorbonnehumanrights.wordpress.com/2019/02/14/quelques-mots-sur-le-complexe-du-sauveur-blanc-ou-le-white-saviorism/ 

J’ai d’ailleurs une vilaine anecdote à ce sujet. Bien qu’elle date de 1984, elle me semble intéressante à étudier.

Avant d’arriver en France, ma mère était sage-femme diplômée d’état à Madagascar (pour ceux qui ne sauraient situer le pays, c’est une grande île située dans l’Océan Indien, ancienne colonie française).

Sur Paris, un jour de septembre 1984, elle était sur le point de donner naissance à sa première fille : moi.

Osant exprimer les douleurs qu’elle ressentait, l’équipe médicale sur place a pris la décision de l’attacher. Elle dut alors donner naissance, pieds et mains liés. (oui, vous avez bien lu !)

La voyant se tordre de douleur, une des soignantes lui a alors littéralement rétorqué «tu vas me dire que tu étais sage-femme dans ton pays toi ? »

Comment mettre au monde son enfant en toute quiétude, dans de telles conditions ? 

Comment garder et transmettre un souvenir positif de tels évènements ?

Des violences, plus ou moins ordinaires, mais non moins marquantes, des tas de femmes noires pourraient vous les conter. Tant d’anecdotes qui peuvent traumatiser des femmes, mais aussi les bébés à naître.

D’ailleurs, en y repensant, je me demande si le « syndrome de la blouse blanche » que rencontre ma mère à chacune de ses visites médicales, aussi anodines soient-elles, ne serait pas dû à cela ?

Imaginez que du haut de ses 66 ans, sa pression artérielle et son rythme cardiaque montent en flèche à chacun de ses rendez-vous médicaux.

Pour mieux comprendre le syndrome de la blouse blanche => https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet

Un autre point important entre en ligne de compte : la non-assumée racisation des patientes. Ces idées reçues qui poussent certains soignants à différencier les protocoles de soin en fonction de l’origine ethnique des patientes. 

L’article suivant explique bien ce mécanisme => https://afrosmums.wordpress.com/2017/03/30/la-racisation-des-patientes-les-femmes-africaines/amp/

Au menu des idées reçues : le fameux bassin trop étroit, la grossesse prétendument plus courte, et l’endurance à la douleur. Parsemez ensuite tout cela du célèbre « syndrome méditerranéen »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_méditerranéen

Quand je dis que cette différenciation n’est guère assumée, c’est qu’elle ne se dit pas. Elle n’est aucunement officielle mais semblerait à l’appréciation du soignant.

Ces douleurs et traumatismes subies par les mères noires en couche ne sont guère anodines. Elles ont d’éventuelles répercussions sur les lignées de femmes qui seront à leurs suites. 

Il s’agit de blessures supplémentaires à ce qu’ont subi certaines de nos aïeules lors des périodes d’esclavage et de colonisation : viols, tortures, vol d’enfants, infanticides, morts des nourrissons par malnutrition, avortements et stérilisations forcées, etc.

https://www.linfo.re/la-reunion/societe/713976-francoise-verges-les-medecins-et-les-cliniques-ont-fait-fortune-sur-le-ventre-des-femmes-reunionnaises

Certain(e)s se diront peut-être que cela fait partie du passé ; mais les utérus de nos ancêtres sont porteurs de lourds secrets, qui se répercutent sur plusieurs générations. Comme si les violences faites aux femmes, de manière générale, n’étaient déjà pas assez… 

De nos jours, certaines femmes noires s’apprêtent donc à donner naissance au fruit de leurs entrailles avec appréhension, et en étant au centre de clichés qui vont influer sur la façon dont elles seront prises en charge.

Je pense sincèrement que des statistiques ethniques mettraient en lumière un taux de césariennes plus élevé chez les femmes noires.  Pour étayer mes propos, cet article concernant la santé maternelle des « africaines » en Ile-de-France peut être une bonne entrée en matière => https://journals.openedition.org/remi/5902#tocto1n2

SON POST-PARTUM

Il est né le divin enfant.

Commence alors cette joyeuse, mais aussi tumultueuse période, parsemée de doutes et de fatigue.

Bien qu’heureuses de tenir leurs bébés dans les bras, toutes les mères connaissent ce type de difficultés : démarrage d’allaitement parfois compliqué, douleurs de suites de couches, solitude, et j’en passe… Bref, le parfait moment où l’aide des professionnels de santé serait la bienvenue.

Malheureusement, un nouvel à priori vient ternir le tableau ; cette image que certains soignants se font des mères noires : 

  • femmes toujours très (voire trop) entourées,

  • femmes qui allaitent très facilement,

  • femmes qui ont tendance à grossir leurs maux / douleurs.

Ce sont ces préjugés qui laissent parfois penser que la mama noire n’a pas besoin de soutien dans son postnatal. 

Pour expliciter mes propos, j’ai un exemple qui me concerne personnellement.

Je me rappelle la naissance de ma seconde fille. A la maternité, la sage-femme est entrée dans ma chambre avec une de ses stagiaires, afin d’observer la prise du sein. En se dirigeant vers moi, elle lui dit « oh on va plutôt aller dans une autre chambre car les mamans comme elle, on dirait qu’elles ont fait ça toute leur vie !  Ca roule tout seul ». Elle ne le disait pas méchamment mais, sans le savoir, sa remarque était basée sur des biais racistes… les mêmes qui ont poussé des femmes à exiger de leurs esclaves qu’elles allaitent les enfants de leurs maîtresses, au détriment des leurs. En se persuadant qu’une femme noire, comme moi, n’a pas besoin d’aide dans la mise en place de l’allaitement, ne me refusait-elle pas un soutien qui m’aurait pourtant été si précieux ?

Un jour après, j’avais pourtant des cratères à la place des mamelons, et je remarquais que ma fille avait un énorme frein de langue, qu’elle a fini par casser à la force de sa succion.

Quand on sait que certaines femmes n’osent pas solliciter de l’aide si on ne la leur propose pas… ce type de préjugés peut mettre à mal l’allaitement de jeunes mamans, mais aussi causer d’autres désagréments (sentiment de solitude intense, dépression post-partum, etc.).

C’est durant le post-natal qu’une chose m’a également sauté aux yeux : le manque de représentation.

Vous savez, enfant, j’ai déjà pas mal ressenti cela sur les bancs de l’école, dans les cours de récréation, les rayons des magasins de jouets, ou en regardant la télévision… mais c’était il y a plus de vingt ans. Je ne pensais plus vivre cela de façon aussi violente. Et pourtant…

La maternité, c’est une fenêtre de temps où une femme peut vite se sentir bien seule : elle n’exerce plus d’activité professionnelle durant quelques mois, alors que son entourage (famille et amies) continue de vaquer à ses occupations. C’est aussi une période où une multitude de questions et de doutes nous traversent l’esprit. Souvent, on se tourne vers d’autres mères pour échanger, que ce soit de façon physique ou virtuelle. C’est vraiment précieux de rencontrer et bavarder avec des femmes qui traversent les mêmes choses que nous, en même temps que nous. Bref, des femmes qui nous ressemblent. C’est un espace où l’on se sent épaulées, portées, fortifiées et en sécurité. On jase sur la fatigue qui nous envahit, sur nos fuites de lait, sur les beaux sourires de nos bébés, et j’en passe.

On vient aussi y trouver des réponses, des conseils en portage, ou des informations sur les couches lavables ou jetables. 

Ben vous savez quoi ? Je vais être claire avec vous … Dans la majorité de ces lieux d’échanges entre mères, je n’ai vu que très peu de femmes noires. La plupart du temps, j’étais la seule.

Bien évidemment, j’y ai toujours été très bien accueillie, sans distinction de couleur. Mais, quand j’analyse vraiment mon ressenti, je m’y sentais un peu seule. C’est étrange comme sentiment. Je crois que j’ai mis les mots dessus il y a peu. Jusque-là, je ne nommais pas ce qui me traversait.

Je me questionne donc sur les raisons de l’absence de femmes noires dans ce type d’évènements. C’est une vraie question.

J’ai plusieurs pistes qui me viennent alors en tête :

  • tout d’abord, le monde de la périnatalité est, malheureusement, encore un milieu élitiste. En France, la grande majorité des évènements a lieu sur Paris. Sauf que, je le rappelle, vivre sur Paris n’est pas accessible à tout le monde. J’en reviens à mon petit laïus sur le rapport entre banlieues et immigrations. Une grande partie de la population francilienne noire vit dans les banlieues. A mon grand désespoir, de telles initiatives n’ont pratiquement jamais lieu dans nos petits « recoins » (allez, je vais être positive : ça veut dire que pleins d’opportunités s’offrent à des doulas comme moi pour y remédier 😉

De plus, qui dit événement sur Paris, dit coût de location de salle plus élevé. Cela augmente donc le montant de participation aux frais… ajoutons à cela, les transports ou le parking ; on arrive à une somme qui n’est pas des moindres, en plus du temps passé sur la route. Ce type de « sorties » peut virer au périple pour les participantes les plus éloignées et isolées. Cela peut être un frein non négligeable pour certaines.

  • L’absence de sensibilisation autour du maternage proximal vers les femmes noires et les femmes de quartiers populaires. 

Dans les banlieues, faute de moyens, les structures publiques pouvant servir de parfaits relais, ne peuvent octroyer de temps à la sensibilisation et la promotion d’un maternage plus proximal (allaitement, portage, etc.). Alors que dans les villes plus aisées (certains quartiers parisiens !), les centres de PMI ont des créneaux autour de cette thématique. Pourtant, les communes et quartiers plus défavorisés en auraient bien besoin aussi.

  • La communication autour de ces évènements ne cible pas les femmes noires. 

Ok, depuis la ferveur du #BlackLivesMatter, les publications mettant en avant des mamas noires fleurissent peu à peu sur la toile … et c’est une superbe chose. Je m’en réjouis !

Mais il y a encore 6 mois, rares étaient les blogs et comptes influents osant le faire. La raison ? Et bien figurez-vous que ce n’était pas très « vendeur ». Wahou… pardon, mais cela m’émeut toujours quand j’y pense. 

La question qui me turlupine alors est de savoir : si les femmes noires ne se sentent pas représentées autour d’une thématique, comment donc pourraient-elles s’y intéresser ? Ne serait-ce pas une forme d’exclusion (volontaire ou non) ?

Je réfléchis à tout cela. Ce type de problématique me travaille beaucoup. Et je pense sincèrement que pour permettre à des femmes issues de minorités d’exister dans un milieu, il faut leur donner de l’espace, de la visibilité, la parole. Cela ne peut être qu’ainsi qu’elles oseront s’insérer dans des endroits qu’elles pensaient jusqu’alors réservés aux autres seulement. 

Je sais, cela demande beaucoup d’empathie et de patience… d’acceptation de recul ou de perte même, parfois.  

Mais, c’est ainsi qu’on bâtît un monde meilleur ; c’est ainsi qu’on donne naissance au  monde d’après.

Donner la vie… oui, c’est un peu pareil. Un coup ça avance, puis vient une pause. Phase de latence… puis ça redémarre. C’est intense. Mais j’ai espoir. C’est possible. 

Nous les femmes, de toutes les couleurs de peau qui soient, nous en sommes capables.

Avec tout mon amour (et avec beaucoup de gratitude pour celles qui auront lu ces nombreuses lignes, acceptant de faire ce voyage avec moi)

Dani’

Danielle YUKU-DOGBE, Doula
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