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Chaque expérience de postnatal est unique! Au fil des semaines, je te partagerai ici le vécu de plusieurs femmes concernant leur 4e trimestre. Certaines expériences seront plus joyeuses que d’autres. C’est correct. Je vise le #sanstabou #sansfiltre #justeduvrai. Parce qu’on va se le dire, le 4e trimestre c’est rough. D’un autre côté, ça passe vite et ça peut être magique et mémorable… quand on sait un peu à quoi s’attendre. T’es enceinte? Tu dois absolument lire cette série d’entrevues pour y dénicher des perles et y lire des trucs qui resurgiront quand tu vivras un moment de découragement.
Entrevue avec Elisabeth Simard
Photographe, blogueuse, cofondatrice du magazine Lentement
Parle-moi de ton expérience en postnatal. Comment l’as-tu vécue?
Pour mes deux premiers garçons, j’ai eu de très belles périodes postnatales. Je me suis sentie bien dans mon nouveau rôle et, malgré des accouchements plutôt longs et me laissant des blessures importantes, je me suis rapidement sentie bien et confortable avec mon(mes) bébé(s). C’est plutôt de ma troisième expérience postnatale dont j’ai envie de parler. Celle que je suis encore en train de vivre, d’ailleurs, même si mon 4e trimestre est terminé. Mon beau Oscar, qui a maintenant 8 mois, est né à 35 semaines. Ce n’est pas si tôt, mais malheureusement il n’était vraiment pas prêt à naître malgré ses 7 livres.
J’ai eu un bel accouchement, mais dès sa sortie, les inquiétudes ont commencé. Je ne l’ai vu que quelques secondes puis ils l’ont transféré à la pouponnière avec son papa. Pas de première tétée, pas de peau à peau, pas de bulle toute douce entre nous trois. J’étais seule dans ma chambre, mon amoureux faisait des aller-retours entre la pouponnière et moi, on ne savait pas grand-chose.
Nous sommes d’abord restés 16 jours à l’hôpital, Oscar en incubateur. Sa pédiatre, à ce moment, ne voulait pas que je le mette au sein. J’ai eu des allaitements difficiles et brefs pour mes deux premiers garçons. J’avais profondément envie d’allaiter mon 3e. J’ai décidé que j’allais tout faire pour allaiter Oscar. Après tout, il en avait encore plus besoin dans sa prématurité. J’ai multiplié les lectures à ce sujet et discuté de long en large avec l’équipe pédiatrique pour finalement les convaincre de me laisser le mettre au sein environ 7 jours plus tard. J’étais sur un horaire de tire-lait et le lui donnait au biberon. J’étais déterminée, sans non plus tomber dans l’excès, après tout, mes deux autres enfants étaient super et n’avaient pas été allaités très longtemps. Cette détermination, ce « projet » m’a aidé à m’occuper l’esprit (ça et de nombreux livres lus!) durant les 16 jours de l’hospitalisation d’Oscar. Je suis très fière d’avoir mené ce combat et d’avoir allaité malgré les difficultés, la prématurité, le soutien vacillant.
Puis, nous sommes revenus à la maison, pour mieux retourner quelques jours plus tard à l’hôpital, pour un second séjour d’une dizaine de jours. Le système central d’Oscar n’était vraiment pas prêt encore, sa respiration, son coeur, sa saturation, tout ça n’était pas encore à point.
Pendant ce 2e séjour, je vivais à l’hôpital avec Oscar parce que je l’allaitais exclusivement. Pendant ce temps, mon amoureux était déchiré entre nous soutenir à l’hôpital et nos deux autres garçons à la maison. C’est une des choses que j’ai trouvé le plus difficile, d’être si loin de mes deux autres enfants.
Il ne va pas sans dire que durant cette période, je n’existais plus. L’adrénaline des hospitalisations coulaient dans mes veines. Me reposer? Si seulement les machines pouvaient cesser de sonner, les voisins de chambre se taire, les tests et vérifications s’espacer… J’enregistrais un maximum d’informations médicales, suivais le dossier complexe d’Oscar de près, m’assurais que les nouvelles équipes aient toujours toutes les informations pour dresser un portrait juste de la situation. J’étais non seulement épuisée de ma grossesse difficile, de mon accouchement et de ses blessures, mais j’étais également exténuée, vidée complètement, rongée par l’inquiétude, l’ennui, l’absence quasi totale de sommeil venant avec (un nouveau-né) l’hôpital. Je rêvais de revenir chez moi.
Pourtant, pendant cette grossesse, je m’étais jurée que j’allais profiter pleinement de mon 4e trimestre. Je m’étais préparée tout plein de petites choses pour prendre soin de moi, des soupes nourrissantes, des lectures douces, pour nourrir mon corps adéquatement et prendre beaucoup de temps pour profiter de ce beau petit être humain tout neuf. J’avais pu constater, avec mes deux premiers garçons, à quel point le temps avec un bébé s’estompait aussi vite qu’il arrivait. Que tout passait. Je savais que les moments d’extrêmes intensités, d’extrême difficulté passaient, s’envolaient. J’étais donc toute disposée à vivre ce 4e trimestre lentement, concentrée, à l’abri du monde. Allaiter, dormir, et découvrir Oscar aux côtés de mes enfants et de mon amoureux ; donner tout le temps nécessaire à mon corps pour bien se remettre de cette troisième grossesse et accouchement. Nope. Ce fût l’inquiétude rongeante, le rythme brisé, scindé. J’étais hors de mon corps, hors de ma tête, hors de ma maison. Riche de mes deux premières périodes postnatales, j’avais au moins la sagesse de savoir qu’il est primordial de demeurer ouverte, flexible, et de suivre le flow postnatal car nous ne sommes maîtres de rien dans cette aventure.
Mon moral a été en dent de scie tout au long de ce 4e trimestre. La fin de cette période correspond à peu près à notre retour définitif à la maison, mais j’ai l’impression que ça a duré plus longtemps. Je n’ai jamais été aussi vulnérable et à nue de ma vie. J’étais comme une grande plaie ouverte, complètement raw et instable. À pleurer d’une intensité épeurante sur le plancher de ma cuisine. J’avais peur, je ne comprenais plus quel était notre rythme, notre place. J’ai aussi énormément ri, aimé, cajolé. J’ai reçu plus d’amour que possible. J’étais exténuée, apeurée et totalement comblée.
Enceinte, te sentais-tu confiante face à ton nouveau rôle de mère?
Tout à fait, et ce, dès la première grossesse. J’attendais ce moment depuis aussi loin que je me souvienne. C’est une des seules choses dont j’étais totalement certaine dans ma vie : je voulais des enfants et ça ne me faisait pas (trop) peur. Moi qui n’avait aucune confiance en moi pour tellement tout dans la vie, qui longeait les murs, je savais au plus profond de moi que j’étais correcte, adéquate pour le rôle de maman, malgré mes blessures de vie, mes grands défauts et insécurités. J’en ai comme jamais douté. C’est sûr que je me questionne constamment, je vire dans tous les sens tous mes automatismes, toutes mes réactions spontanées pour les comprendre, comprendre d’où elles viennent, examiner si elles sont adéquates. Je chemine, je suis humaine et sensible, je fais de mon mieux. Je m’étais promis de me donner le droit à l’erreur et je me le donne, tous les jours. C’est tellement la plus grande aventure de ma vie, la plus belle et la plus difficile. Et il n’y a pas une seule journée où je n’apprends pas sur ce que je suis, sur l’humain, que je ne me remets pas en question ou que je ne suis pas reconnaissante de ce grand honneur (et défi) qu’est d’être la mère de ces trois petites personnes d’amour.
Le “village” pour toi c’est quoi?
Oh ce village! C’est tellement important et peut prendre tellement de formes différentes. Il se cache partout : dans les congélateurs remplis par la famille, dans les textos échangés avec une amie en pleine nuit ou dans les regards compatissants échangés avec la voisine à la pouponnière qui pleure elle aussi devant le petit incubateur, inquiète.
Le village, lors de la naissance d’Oscar, s’est présenté à nous à travers une multitude de petites branches qui ont atteint nos coeurs chacune à leur façon et qui ont su nous apporter énormément de réconfort et de soutien. J’ai accepté beaucoup l’aide qu’on m’offrait. J’ai des amies en or qui m’ont organisé un rallye de bouffe, pour s’assurer que le frigo à la maison était bien plein pour mon amoureux et les enfants. Des amies m’ont apporté des repas chauds à l’hôpital ainsi que des cafés, des livres, des collations, des tisanes en réserve. Tsé, quand des amies 2.0 que tu n’as jamais rencontré en personne t’apporte un sac à l’hôpital contenant plein de gâteries et même un matelas pour augmenter ton confort, ton coeur veut simplement exploser. Je n’ai jamais ressenti autant de gratitude et de reconnaissance envers l’être humain que durant cette période de ma vie. Cette période où j’étais tellement fragile, tellement apeurée, tellement vulnérable. J’ai été soutenue comme jamais. Je suis d’habitude plutôt orgueilleuse et ne demande que très peu d’aide. Je suis contente d’avoir non seulement acceptée avec sincérité tout ce qui m’a été offert durant cette période, mais aussi d’avoir osé demander clairement ce dont j’avais besoin.
Si vous saviez comment ça m’a fait du bien qu’une amie à moi, qui travaillait à l’hôpital lors du 2e séjour d’Oscar, m’apporte un café et prenne cinq minutes pour jaser avec moi quelques matins. Sans pression, juste une présence connue et rassurante (et un café délicieux qui ne venait pas de l’hôpital). Quelle douceur entre les beeps des machines.
C’est tellement important de demander de l’aide, d’être ouverte à ceux qui s’offrent pour nous soutenir, hospitalisation ou non.
Qu’est-ce qui t’as le plus surpris pendant ton 4e trimestre?
La puissance du corps. J’avais été épatée par le corps de la femme suite à mes deux premiers accouchements. Sa façon de s’adapter et de changer après ce grand passage. J’étais complètement vidée, blessée et pourtant, mon corps se tenait (presque) bien droit, prêt à tout pour ce petit être. J’étais pleine d’adrénaline, malgré tout. Par contre, quand je suis tombée, je suis vraiment tombée. Ce corps de guerrière, présent pour son nouveau-né à l’hôpital, est tombé au combat après que la poussière est retombée. Et malgré qu’il soit tombé d’épuisement, il donnait quand même, encore et toujours. Il nourri, il donne chaleur et réconfort, il berce, il cajole, il endort, il nettoie, il prend soin. Ce corps donne, donne constamment, malgré l’épuisement, les blessures, les douleurs, les mastites, les changements hormonaux, les cheveux qui tombent, les contractions, les adaptations, les questionnements, les lochies, les tranchées et les muscles à rééduquer. Il donne tout, sans compter. Ça m’épatera toujours à quel point, on est capable de donner. C’est aussi pour cette raison qu’il est tellement important d’avoir son village!
As-tu réussi à prendre soin de toi en postnatal? Si oui, comment? C’est quoi ton truc?!
Si j’ai réussi à prendre un peu soin de moi durant cette période, c’est grâce à mon village qui a su m’apporter du réconfort comme il pouvait. Venir prendre la relève auprès d’Oscar pendant que je vais manger ou prendre une douche chaude, venir me changer les idées le temps d’une visite, me laisser des poches de thé en masse pour que je me réchauffe le coeur, le soir venu, dans la chambre d’hôpital, mon amoureux qui m’apportent des vêtements propres et confortables…ce sont ces petites choses qui m’ont permis de prendre soins de moi durant cette période particulière. M’appuyer sur mon village, me donner du temps, et me répéter, quand c’est difficile « This too shall pass ».
Si tu avais un conseil à donner aux futures mères, enceintes de leur premier enfant, ce serait quoi?
Apprends tout ce que tu peux sur l’accouchement et le 4e trimestre, puis laisse la (ta) nature te guider. On ne peut pas être trop préparé à cette grande transition de la vie et, en même temps, nous n’en sommes pas maître une seule seconde. D’en savoir le plus possible, dans toutes ses nuances et ses différences, peut grandement aider à lâcher-prise ensuite, à se sentir en confiance. Assure-toi d’avoir tout ce qu’il faut dans le congélo (des repas ultra nourrissants, de bonnes tisanes chaudes, etc., tout ce qu’il te faut pour nourrir ton corps et lui apporter chaleur). Le 4e trimestre, c’est raw. C’est plein de fluides corporels, de sensations bizarres, de premières fois. C’est un monde en soi, une période unique dans sa vie de par son intensité, son don de soi, son manque hallucinant de sommeil. Ça aide d’accepter qu’on va pleurer, rire, avoir mal, ressentir de grands bonheurs tout en même temps. Trouve l’amie avec qui tu pourras parler des vraies affaires, d’en rire, d’en pleurer, sans tabou ni jugement. Des fluides, du manque de sommeil et autres particularités. Sens le cou de ton bébé le plus souvent possible. C’est tout ce qui compte! Il n’y a pas de performance à y avoir, dans cette période de sa vie. This too shall pass. N’oublie pas cette phrase-là.
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